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Marie Vieux Chauvet

Credit/ Source: photo des archives du CIDIHCA, D.R.

Marie Vieux Chauvet est née à Port-au-Prince (Haïti) le 16 septembre 1916, fille de Constant Vieux, homme politique (sénateur et ambassadeur), et de sa femme Delia Nones, juive originaire des Îles Vierges. Marie Vieux fait ses études à l'Annexe de l'École Normale d'Institutrices. Elle obtient son brevet élémentaire en 1933. Elle épouse le médecin Aymon Charlier, puis à la suite de son divorce, se marie avec l'agent de voyages, Pierre Chauvet.

 

Nourrie des grands principes égalitaires qui ont marqué des auteurs tels Brun Ricot, Seymour Pradel et Jacques-Stephen Alexis, Marie Chauvet s'insurge, comme Marie-Thérèse Colimon, contre les abus de tous genres dont sont victimes les femmes, les malheureux, les déshérités et tous les faibles. Déjà, dans sa première œuvre, La Légende des fleurs (publiée sous le pseudonyme de Colibri), Marie Chauvet explore à travers un conte allégorique le rêve de fraternité et de solidarité qui motive son écriture. Elle publie plusieurs romans, tous dominés par la question de l'égalité et de la justice.

 

Tout au long de sa vie, Marie Chauvet a mené une lutte ouverte contre la misère dans laquelle vit un grand nombre de ses compatriotes. Le vaudou, l'esclavage, le colonialisme (externe et interne) et l'érotisme font d'ailleurs partie de ses thèmes privilégiés. Empreinte d'un idéalisme certain, son œuvre est toutefois marquée par un existentialisme qui, déployé dans des structures textuelles de plus en plus complexes, lui donne une voix politique puissante. Fille d'Haïti évoquait en arrière-plan un mouvement révolutionnaire pouvant préfigurer ce qui allait se passer après l'avènement au pouvoir de François Duvalier. La Danse sur le volcan (1957) est l'un des rares romans haïtiens sur la période révolutionnaire, roman dans lequel on retrouve les figures historiques telles que Vincent Ogé. Dans Fonds des Nègres, paru en 1960, Marie Vieux Chauvet démontre les corruptions de la classe paysanne par le pouvoir. Amour, colère et folie va plus loin dans sa critique très poussée des milieux bourgeois haïtiens.

 

Au début des années 1960, Marie Chauvet fait figure de proue au sein d'Haïti Littéraire. Seule femme dans le groupe d'écrivains – en compagnie d'auteurs tels que Davertige, Serge Legagneur, Roland Morisseau, Anthony Phelps et René Philoctète – elle ouvre sa maison de Bourdon au groupe le dimanche pour des réunions sociales et littéraires très animées.

 

Avec le durcissement du régime de François Duvalier, Marie Chauvet se retire chez elle pour écrire ; en six mois, elle rédige une première version d'Amour, colère et folie. Quand elle le termine, elle envoie le manuscrit à Simone de Beauvoir qui, en reconnaissant la valeur, soutient sa publication aux Éditions Gallimard en 1968. Jugeant le risque que peut encourir les proches de Marie Chauvet, sa famille intervient auprès des éditions Gallimard pour en racheter tout le stock et en interdire la vente. Pendant plus d'une génération, le triptyque ne circulera qu'en quelques rares copies qui se vendent très chères ; il sortira même dans une édition clandestine et non-autorisée en 2003.

 

Suite au retrait d'Amour, colère et folie des librairies, Marie Chauvet décide de s'exiler à New York et de se divorcer. En troisième noces, elle épouse à New York un américain, Ted Proudfoot. Son dernier livre, Les Rapaces – écrit entre 1971, date de la mort de François Duvalier, et 1973, date de la mort de Marie Vieux Chauvet – est une fable magnifique sur le rôle de l'écrivain, engagé jusqu'au sacrifice de sa vie, ainsi qu'un commentaire sobre mais décapant sur les classes sociales haïtiennes, et sur les relations de dépendances entre le pouvoir haïtien et les puissances étrangères. Le livre est édité à titre posthume en Haïti en 1986 sous le nom de Marie Vieux, aux éditions Henri Deschamps, après le départ de Jean-Claude Duvalier. Marie Vieux Chauvet meurt à New York le 19 juin 1973.

 

Les Éditions Maisonneuve & Larose / Emina Soleil rééditent l'œuvre de Marie Vieux-Chauvet avec la publication de La Danse sur le volcan en 2004 et, trente-sept ans après sa première publication, Amour, colère et folie en 2005.

 

– Joëlle Vitiello

 

Références: Elles écrivent des Antilles, sous la direction de Suzanne Rinne et Joëlle Vitiello (Paris: l'Harmattan, 1997: 37-38) et le chapitre « Fictions of Haiti » par Joan Dayan (référence ci-dessous). 

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